L’innovation, une économie du don contre don

13 11 2006

Je découvre Norbert Alter, chercheur à l’Université Paris Dauphine, au travers d’un extrait de son intervention au cours de l’atelier « Management de l’innovation - mieux prendre en compte les facteurs humains, culturels et organisationnels », organisé les 16 et 23 mai 2006 par l’ANVIE, l’Association Nationale de Valorisation Interdisciplinaire des sciences humaines et sociales auprès des Entreprises :

L’innovation, une économie du don contre don - Dans les organisations où prévaut une forte sollicitation et où la place de l’innovation est importante, on constate que les individus qui participent à des processus d’innovation se livrent à une économie clandestine, mal connue par le management mais très efficace : le don contre don.
La théorie du don contre don, élaborée par Marcel Mauss dans l’entre-deux guerres, affirme que le lien social ne résulte pas d’un échange économique entre deux personnes qui ne se reverront jamais plus, mais d’un échange social dans lequel personne n’est jamais quitte.
Dans les univers innovants, les modes de coopération relèvent justement du don contre don. En effet, personne n’est compétent pour innover seul. Pour agir, il faut mobiliser un réseau avec lequel on entretient des relations professionnelles mais aussi de confiance, de sympathie… Les strictes relations fournisseur-client ne suffisent pas.
L’économie du don contre don comporte certaines règles. Par exemple, on ne doit pas tirer un parti personnel d’une réalisation menée collectivement. L’expérience montre toutefois que la culture de l’innovation est plus ambivalente. En effet, si les égoïstes sont progressivement exclus du réseau d’innovateurs, les altruistes le sont aussi : en partageant trop largement les réalisations du réseau, ils lui sont nuisibles. […]

Je trouve l’approche de Norbert Alter particulièrement raffraichissante et stimulante, très décalée par rapport aux discours habituelle sur l’innovation et ses acteurs. Il met aussi l’accent sur l’attitude transgressive vis-à-vis de l’ordre établi ou de l’organisation, à la base de toute démarche innovante. Ceci se conçoit aisément à propos de l’innovation de rupture mais est également valable pour l’innovation incrémentale. Une complexité pas toujours facile à gérer pour les entreprises…

Pour allez plus loin sur les traces de Norbert Alter, on pourra par exemple lire le résumé de son ouvrage, L’Innovation Ordinaire (2000).

Source : Lettre n° 55 de l’ANVIE (page 6)