Au-delà d’anticiper les usages, encourager l’appropriation et le détournement

24 11 2006

Daniel Kaplan vient de proposer une réflexion très stimulante sur les processus d’innovation et la question des usages dans la conception des nouveaux objets (technologiques, notamment). Une version un peu plus courte est également disponible pour les lecteurs plus pressés.

Il y appelle à l’adoption d’une culture de l’ouverture, de la participation ou de l’inclusion, qui est bien loin des habitudes de nos entreprises, puisque la démarche - transférant l’esprit du web 2.0 à un panel de produits beaucoup plus large - signifierait par exemple :

  • Ouvrir autant d’interfaces de programmation et d’accès aux données que possible,
  • Ouvrir autant de morceaux du code ou des schémas techniques qu’il est possible sans se mettre en danger (parfois 100%, parfois moins, à nouveau il n’est pas question ici de principes moraux),
  • Créer délibérément des « prises » destinées à faciliter l’adaptation le bricolage, la personnalisation, le détournement, la recombinaison… de ce qu’on a produit - cela valant autant pour les logiciels que pour les objets, même si c’est moins facile dans le second cas,
  • Penser les produits autant comme des plates-formes d’innovation que comme des objets finis, admettre la validité de la « beta permanente » et s’intéresser aux idées, connaissances, valeurs et compétences qui émergent autour de ces produits-plates-formes…

Si, comme D. Kaplan le laisse entendre, le recours aux marketeurs pour anticiper les usages déçoit parfois les entreprises, sans doute sera-il plus pertinent et efficient de s’appuyer sur des spécialistes des usages et des pratiques (en premier lieu les sociologues, ethnologues, anthropologues, ou psychologues) pour suivre l’appropriation des objets par les utilisateurs. Sans doute serait-il également souhaitable que les chercheurs et concepteurs - et plus généralement les entreprises - soient accompagnés par ces mêmes spécialistes dans ce processus d’ouverture, pour que les détournements d’usage ne soient pas rejetés mais au contraire réappropriés et exploités le plus rapidement et efficacement possible par les services de production.



Où en est l’édition électronique française en SHS ?

23 11 2006

À l’occasion du 16e Salon de la Revue (les 14 et 15 octobre dernier) à Paris, la situation de l’édition électronique française en sciences humaines et sociales faisait l’objet d’un débat sur le thème « Revues de sciences humaines au temps d’Internet : quelles promesses ? Quelles menaces ? ». André Gunthert nous en propose un compte-rendu détaillant la teneur des discussions qui ont rassemblé éditeurs, administrateurs de portails, responsables de revues et représentants d’institutions de soutien à l’édition.

Malgré un titre sans doute réducteur (et dont l’anachronie a été souligné par l’un des participants), le débat a été le lieu d’une explicitation des enjeux de l’édition électronique et de l’urgence d’une prise de conscience par ses acteurs que l’Etat ne prendra pas en charge les conditions du libre accès à cette littérature scientifique. La question mérite d’être traitée rapidement, avant que l’ensemble des revues SHS en ligne ne bascule dans le modèle de l’offre payante (et même très onéreuse) qu’ont adopté les revues internationales en sciences expérimentales.

On le constate très vite, l’avenir de l’édition électronique française en SHS croise ici les questions de l’accès (libre ou pas) à la connaissance scientifique et de l’internationalisation des pratiques de recherche dans ces disciplines.



L’innovation, une économie du don contre don

13 11 2006

Je découvre Norbert Alter, chercheur à l’Université Paris Dauphine, au travers d’un extrait de son intervention au cours de l’atelier « Management de l’innovation - mieux prendre en compte les facteurs humains, culturels et organisationnels », organisé les 16 et 23 mai 2006 par l’ANVIE, l’Association Nationale de Valorisation Interdisciplinaire des sciences humaines et sociales auprès des Entreprises :

L’innovation, une économie du don contre don - Dans les organisations où prévaut une forte sollicitation et où la place de l’innovation est importante, on constate que les individus qui participent à des processus d’innovation se livrent à une économie clandestine, mal connue par le management mais très efficace : le don contre don.
La théorie du don contre don, élaborée par Marcel Mauss dans l’entre-deux guerres, affirme que le lien social ne résulte pas d’un échange économique entre deux personnes qui ne se reverront jamais plus, mais d’un échange social dans lequel personne n’est jamais quitte.
Dans les univers innovants, les modes de coopération relèvent justement du don contre don. En effet, personne n’est compétent pour innover seul. Pour agir, il faut mobiliser un réseau avec lequel on entretient des relations professionnelles mais aussi de confiance, de sympathie… Les strictes relations fournisseur-client ne suffisent pas.
L’économie du don contre don comporte certaines règles. Par exemple, on ne doit pas tirer un parti personnel d’une réalisation menée collectivement. L’expérience montre toutefois que la culture de l’innovation est plus ambivalente. En effet, si les égoïstes sont progressivement exclus du réseau d’innovateurs, les altruistes le sont aussi : en partageant trop largement les réalisations du réseau, ils lui sont nuisibles. […]

Je trouve l’approche de Norbert Alter particulièrement raffraichissante et stimulante, très décalée par rapport aux discours habituelle sur l’innovation et ses acteurs. Il met aussi l’accent sur l’attitude transgressive vis-à-vis de l’ordre établi ou de l’organisation, à la base de toute démarche innovante. Ceci se conçoit aisément à propos de l’innovation de rupture mais est également valable pour l’innovation incrémentale. Une complexité pas toujours facile à gérer pour les entreprises…

Pour allez plus loin sur les traces de Norbert Alter, on pourra par exemple lire le résumé de son ouvrage, L’Innovation Ordinaire (2000).

Source : Lettre n° 55 de l’ANVIE (page 6)



IE et recherche : collaborations et transferts à intensifier

11 11 2006

Les interactions, les collaborations et les transferts de savoir-faire entre l’université et les entreprises en matière d’intelligence économique sont à intensifier. C’est l’une des principales préconisations que Nicolas Moinet, maître de conférence à l’ICOMTEC (Institut de la Communication et des Nouvelles TEChnologies - Université de Poitiers) propose sur le blog de l’Intelligence Économique des Échos dans un état des lieux intitulé « L’intelligence économique française a besoin d’une recherche de haut niveau ». Il y pointe également les responsabilités du monde universitaire, et notamment le peu de recherche effectué dans le domaine, l’absence de revues scientifiques spécialisées (et corollairement, le déficit de publications), et le fait que l’intelligence économique n’ait pas d’existence institutionnelle au regard des disciplines universitaires.

J’ai été particulièrement sensible à deux points de son billet : 1° son approche intègre directement la question des collaborations entre centres de recherche universitaires et entreprises tout en pointant les handicaps et lacunes de chacun ; et 2° il profite judicieusement de l’occasion pour présenter les CIFRE (Conventions Industrielles de Formation par la Recherche), attirant l’attention des entreprises sur ce dispositif d’aide, très avantageux et qui reste pourtant sous-exploité, négligé par les premiers bénéficiaires potentiels que devraient être les PME.

Nicolas Moinet déplore aussi (et à titre personnel, je ne peux qu’approuver) l’ignorance des entreprises françaises vis-à-vis du doctorat ainsi que leur manque d’intérêt et d’appropriation des compétences que donne l’expérience de la recherche, compétences qui sont a contrario si prisées par leurs concurrentes étrangères. Des ressources précieuses, à l’évidence, dans une société de la connaissance et de l’innovation, dans laquelle la complexité et la rapidité des évolutions sont si importantes.



Politique industrielle au CNRS

3 11 2006

La livraison de Novembre du Journal du CNRS (n°202) propose un article sur le transfert des résultats de la recherche du CNRS vers l’industrie et les services. Le CNRS s’est en effet doté en juillet dernier d’une nouvelle structure, la Direction de la politique industrielle (DPI), afin de répondre à ses ambitions en matière de relations avec le monde de l’industrie et des services. Son objectif : accélérer le transfert des résultats de ses laboratoires vers la société.

Les missions de cette DPI se déclinent suivant trois grands axes :

  • construire un système performant et durable de relations avec l’industrie (grandes entreprises, PME, entreprises de services, etc.) visant à encourager les industriels à communiquer leurs besoins à long terme en matière de recherche fondamentale, grâce à la mise en place un outil spécifique : des groupes thématiques de concertation ;
  • coordonner l’implication des unités de recherche du CNRS dans les pôles de compétitivité ;
  • gérer et valoriser la propriété intellectuelle du CNRS (les brevets et leurs licences, ainsi que les activités connexes). À noter que ceci n’a rien de négligeable puisque le CNRS, qui détient aujourd’hui 3000 brevets principaux et 7000 extensions, est l’un des tout premiers déposants en France (6e en 2004).

Je trouverais souhaitable qu’un accent particulier soit mis sur le rôle de plus en plus déterminant des sciences de l’homme et de la société dans les processus d’innovation. Dans cette perspective, il me semble essentiel d’assurer la présence et la visibilité des SHS au sein d’une politique industrielle.

Source : Accélérer et faciliter le transfert de nos résultats vers l’industrie et les services (Journal du CNRS n°202).



GoogleTube : besoins de recherches en SHS

10 10 2006

Je profite du buzz autour du rachat de YouTube par Google pour reprendre et prolonger la réflexion proposée par Alexis Mons ce matin sur le blog de groupe Reflect (« YouTube, premières leçons d’un rachat ») dans laquelle il souligne le primat, pour l’économie 2.0, de la valeur de l’échange ou de la relation, sur celle du contenu ou du produit :

En fin de compte, il me semble que la leçon de ce rachat, c’est de croire au changement économique du 2.0, celui d’une économie non plus centrée sur la matière, mais sur les échanges, la notoriété et la socialisation que cela rapporte à chacun. C’est après tout ça que nous allons tous chercher sur les services 2.0 et il est alors sain de penser que la valeur d’un service soit lié à ça et non au contenu qu’on a déposé chez lui.

La nouvelle a surpris beaucoup de pronostiqueurs qui se refusaient à croire au rachat de YouTube par Google mettaient notamment en avant le problème soulevé par les droits de propriété intellectuelle : les ayants-droits, et en premier lieu les majors, principaux fournisseurs de contenu audio-visuel, étaient censés attendre le rachat de YouTube par un gros poisson, solvable, pour déclencher une déferlante de procès pour toutes les vidéos illégalement diffusées sur ce site. Le montant de l’opération financière (1,65 milliards de dollars pour une compagnie qui a moins de 2 ans et de 70 salariés) a d’autant plus dérouté ceux qui négligeaient le transfert de valeur, dans le modèle économique 2.0, des objets d’échange au profit du réseau.

Cette valeur des réseaux, elle transparait bien sûr dans le montant des acquisitions récentes. Toutefois, sans une meilleure compréhension de leur fonctionnement (genèse, organisation, développement, entretien et délitement), l’estimation de cette valeur, basée uniquement sur des ventes ou achats de sociétés, reste difficilement transférable ou exploitable, donc ni largement généralisable ni prédictible. C’est pourquoi il semble important de multiplier, bien au-delà de ce qui se fait déjà, les projets de recherche portant sur le fonctionnement de ces collectifs, communautés ou réseaux socio-techniques, pour lesquels de nombreuses spécialités des sciences de l’homme sont pertinentes. L’enjeu socio-économique en est évident.

Par ailleurs, le modèle économique 2.0 bouscule de façon incontestable plusieurs principes de la propriété intellectuelle. Pourtant les bouleversements qu’on peut pressentir restent encore aujourd’hui très flous. Ici encore, des recherches sur les usages et parallèlement des travaux apportant un développement théorique du droit en la matière sont donc valorisables.



Lancement du 3e appel à projets pour les pôles de compétitivité

3 10 2006

Un nouvel appel à projets a été lancé par les ministères qui contribuent au fonds unique - Industrie, Défense, Agriculture, Santé, Aménagement du Territoire et Equipement - pour les pôles de compétitivité. Il est, comme le précédent, ouvert à l’ensemble des secteurs économiques, industriels (y compris agro-alimentaires) ou de services. Les projets devront être présentés avant le 15 décembre 2006.

Je voudrais profiter de l’occasion pour expliciter un voeu - qui reste pieux peut-être encore à l’heure actuelle au regard des habitudes et des mentalités. Ces pôles visent le développement de l’innovation, or il n’y a pas d’innovation technologique sans évolution sociétale conjointe.

Donc notamment pour éviter ce qu’on appelle les « ruines technologiques » (ces superbes produits qui sont refusés par les utilisateurs ou destinataires et qui finissent au placard), les industriels ont tout intérêt à s’appuyer également sur des centres de recherche en sciences de l’homme, pour que des chercheurs se penchant sur les logiques d’usages soient impliqués, en amont du développement et pendant, dans la conception des produits innovants : en effet, ces questions ne peuvent pas être résolues par une approche a posteriori se résumant au marketing ou aux techniques de vente.

Mais je pense qu’il est parallèlement de la responsabilité des chargés de valorisation des structures de recherche en sciences de l’homme de se rapprocher des regroupements élaborant ces pôles et d’oeuvrer pour y introduire ces dimensions au bénéfice de chacun.



Chaîne de valorisation en SHS 3/3

12 09 2006

À l’issue de leur étude sur les chaînes de valorisation de résultats de la recherche universitaire (Conseil de la science et de la technologie du Québec, 2006), les auteurs pointent plusieurs développements à poursuivre afin de répondre à différents besoins :

  • Besoin d’une typologie et d’un lexique (permettant de systématiser le discours et d’éliminer certaines confusions)
  • Besoin d’accroître la veille sur l’innovation sociale
  • Besoin de mieux reconnaître en milieu universitaire la valorisation de l’innovation sociale (en évaluant les chercheurs sur cette fonction)
  • Besoin de chaînes de valorisation pour des domaines spécifiques de l’innovation sociale (afin de rendre compte de leurs particularismes, et notamment dans les domaines psychosocial, socioéconomique, de la santé et de l’éducation).

L’étude a également permis d’observer quelques différences assez significatives entre la valorisation pour une invention technologique en général et la valorisation pour une innovation sociale en général, et ainsi d’identifier plusieurs besoins futurs :

  • Besoins de référentiels universels pour les critères de nouveauté, d’utilité et d’ingéniosité (de même que les brevets fonctionnent comme instruments de diffusion du savoir mais aussi comme outils d’évaluation de la nouveauté et de l’inventivité).
  • Besoin de développer des outils de protection de la propriété intellectuelle
  • Besoin d’une clarification des modes de coopération, à l’instar de ce qui est distingué en valorisation pour l’innovation technologique (contrats de recherche, contrats de consultation, stages ou missions en entreprise, chaires industrielles, valorisation et transfert, etc.)
  • Besoin de prise en compte des modes de transfert en continu (pour une invention technologique, le transfert et l’accompagnement sont plutôt ponctuels et s’apparentent davantage à un passage du relais, alors qu’en valorisation pour l’innovation sociale, le chercheur accompagne le milieu utilisateur tout au long du processus, depuis la définition de la problématique jusqu’à la dissémination de l’innovation).

Mais plusieurs similitudes entre la valorisation pour une invention technologique et celle pour une innovation sociale se dégagent également :

  • Travail d’équipe et nécessité d’arrimer des cultures, des spécialités, des compétences et des méthodes de travail diverses.
  • Nécessité d’un preneur.
  • Coopération entre l’établissement universitaire et le preneur le plus tôt possible dans la chaîne.
  • Progression par étapes, parfois séquentielles, parfois concomitantes, marquées par des jalons sur le parcours.
  • Nombreuses itérations, boucles de rétroaction, retours à des étapes précédentes.

Lire le document complet présentant les chaînes de valorisation de résultats de la recherche universitaire dans quatre domaines distincts : une technologie en général, un médicament, un logiciel, et une innovation sociale en général (Conseil de la science et de la technologie du Québec, publié en mars 2006).



Chaîne de valorisation en SHS 2/3

10 09 2006

Pour l’innovation sociale, les phases de valorisation et de transfert proposées par le Conseil de la science et de la technologie du Québec sont les suivantes :

  1. Définition des objectifs du projet de valorisation : établir les conditions favorables à un partenariat, être à l’écoute du milieu visé et notamment à son expression des problèmes vécus et des besoins de changement ; circonscrire avec le partenaire la situation à améliorer ou les problèmes à résoudre pour pouvoir établir conjointement les objectifs visés par le projet.
  2. Esquisse de solutions possibles : solliciter des idées d’innovation et des solutions possibles au cours de sessions de brainstorming ; formaliser toute solution possible et ses conditions de réussite ; et si possible, évaluer le potentiel de dissémination d’une éventuelle innovation.
  3. Inventaire des connaissances actuelles : recenser les écrits portant sur la situation spécifique en jeu, sur les expériences menées, pratiques comparables, évaluations réalisées dans le cadre d’innovations réussies dans d’autres milieux utilisateurs pour des besoins et des objectifs similaires ; dresser l’inventaire des solutions et des ressources à la disposition du milieu utilisateur ; analyser le matériel recueilli et effectuer un premier transfert au milieu utilisateur, s’il y a lieu.
  4. Production de nouvelles connaissances : à partir du bilan des connaissances de l’étape précédente, élaborer conjointement des solutions détaillées en soumettant et étudiant de nouvelles hypothèses de travail, en élargir le cadre habituel de la réflexion et des pratiques, en imaginant des pratiques innovantes ou adapter des pratiques existantes à la situation ; dégager des modèles de base quant à ces pratiques innovantes.
  5. Élaboration de modèles opérationnels : établir les conditions concrètes de réussite propres aux pratiques innovantes à mettre en place (évaluation de la charge de travail actuelle et celle qui est requise par les pratiques innovantes et les éventuels coûts additionnels) ; décrire clairement les pratiques innovantes (attentes, objectifs, avantages, limites, échéanciers, ressources et budgets nécessaires) ; élaborer de nouvelles façons de travailler, de nouveaux programmes, processus, services ou produits.
  6. Accompagnement dans l’appropriation : établir les conditions optimales et une stratégie d’appropriation des pratiques innovantes par le milieu (formations, coaching, réseau de personnes-ressources, forum, etc.), l’instrumentation nécessaire à cette appropriation (trousse, questionnaire, matériel pédagogique, site web, réseau intranet, etc.) et les tester auprès d’un premier groupe d’intervenants issus du milieu utilisateur ; développer, au sein de ce premier groupe d’intervenants, les connaissances, les compétences et le leadership requis pour l’appropriation, la formation et le soutien des autres utilisateurs, l’évaluation et l’amélioration continue de l’innovation ; mettre en place les mécanismes de formation, d’évaluation et d’amélioration continue ; accompagner le premier groupe d’intervenants dans les transferts successifs des outils d’information ou de formation auprès du milieu utilisateur.
  7. Évaluation des impacts sur le milieu utilisateur : satisfaction du milieu utilisateur visé, nouvelles connaissances et compétences, étendue de l’appropriation par le milieu ; évaluer les changements, l’utilité, la pertinence, l’efficacité et les progrès apportés par les pratiques innovantes dans le milieu utilisateur ; évaluer les retombées et les effets sociaux des pratiques innovantes au-delà du milieu utilisateur (retombées économiques, sociales, environnementales, éducatives, etc.).
  8. Formalisation de l’innovation sociale : reconnaître les pratiques innovantes en tant qu’innovation sociale dès leur appropriation par le milieu utilisateur, faire émerger les nouvelles connaissances et les formaliser, dégager de nouveaux thèmes de recherche et une nouvelle terminologie, cerner les phénomènes jusque-là méconnus ou inconnus. Remarque : il est possible que la valorisation de résultats de la recherche universitaire ne débute qu’à cette étape, par exemple lorsqu’une innovation sociale émerge d’un milieu social de façon plus ou moins spontanée et empirique, sans intervention des chercheurs, qui interviennent alors a posteriori pour étudier et formaliser le phénomène.
  9. Optimisation de l’innovation : analyse des perspectives de transfert à d’autres milieux d’utilisateurs ou à d’autres champs disciplinaires de la recherche universitaire (génomique, dispositifs médicaux, arts ayant des retombées économiques, droit, etc.) avec l’examen des ajustements nécessaires et l’évaluation des éventuelles possibilités de commercialisation.
  10. Dissémination : vérifier la validité conceptuelle des modèles sous-jacents à l’innovation, l’adapter à d’autres milieux utilisateurs, diffuser les résultats de la recherche à la communauté scientifique, faire connaître l’innovation sur les tribunes appropriées et l’implanter auprès d’autres milieux utilisateurs potentiels.

Pour chaque étape, il convient d’ajouter à la description des processus les ressources humaines, financières et matérielles engagées à chaque stade ainsi que les principales sources de financement.
À suivre :

  • Les suites de l’étude


Chaîne de valorisation en SHS 1/3

8 09 2006

Le Conseil de la science et de la technologie du Québec a publié en mars 2006 un document présentant quatre chaînes de valorisation de résultats de la recherche universitaire dans quatre domaines distincts : une technologie en général, un médicament, un logiciel, et une innovation sociale en général. Ces chaînes couvrent l’ensemble du processus de valorisation, de l’obtention de résultats de recherche en milieu universitaire jusqu’à leur exploitation dans l’économie, ou encore depuis l’obtention de résultats novateurs ayant un potentiel d’utilisation dans le secteur social jusqu’à leur appropriation dans un milieu utilisateur.

L’ensemble du document est globalement de grande qualité, mais je retiendrais ici le cas particulier de valorisation de la recherche universitaire en sciences humaines et sociales qui y est traité : la chaîne de valorisation pour une innovation sociale en général.

L’innovation sociale en question ici est une innovation pouvant entraîner des changements importants dans les pratiques des milieux utilisateurs (organisme public ou privé, entreprise, institution, groupe ou collectivité cherchant une solution à un problème ou une réponse à de nouvelles demandes sociales), par exemple dans l’organisation du travail, dans la gestion ou encore dans les échanges avec la clientèle ou les fournisseurs de produits et de services.

Chaîne de valorisation de l'innovation socialeLe rapport part d’une modélisation de la chaîne de valorisation de résultats de la recherche universitaire, qui met entre autres en valeur l’idée de retours (fréquents ou ponctuels) pour redéfinir des étapes précédentes, les préciser et les enrichir au fur et à mesure que le projet avance.

Selon ce document, un point important caractérise la chaîne de valorisation pour une innovation sociale : elle peut débuter plus en amont que d’autres chaînes de valorisation. En fait, contrairement à la valorisation pour une technologie, où le début est clairement marqué par une déclaration d’invention, le début de la valorisation pour une innovation sociale est beaucoup moins nettement défini. Dans le cas de la recherche en partenariat, le processus de valorisation s’amorce dès le début de la recherche, alors que l’établissement universitaire et le milieu utilisateur définissent conjointement la problématique de recherche. Mais en règle générale, la chaîne de valorisation débute par l’établissement des objectifs du projet de valorisation et le transfert s’effectue ensuite en continu tout au long des étapes du processus.

À suivre :

  • Les phases de valorisation et de transfert
  • Les suites de l’étude