Des techniques de créativité… (2/2)

31 07 2006

Dans un post précédent, j’ai proposé un résumé d’une interview de Ivan Gavriloff, PDG de Kaos Consulting et consultant en innovation, au Journal du Management. Je voudrais profiter d’une de ses dernières remarques (assimilant innovation et créativité) pour revenir sur l’un des premiers points qu’il avait abordé.

En effet, contrairement à Ivan Gavriloff, je n’assimilerais pas innovation et créativité. Car on peut faire du nouveau sans art, et de l’art sans nouveauté - il me semble que la distinction peut être utile, en particulier pour revendiquer un côté professionnel et formalisé dans la recherche et l’innovation qui ne me paraît pas aussi déterminant dans le processus de création (artistique).Cet amalgame entre innovation et créativité émane souvent d’une approche marketing ou commerciale, entre autres parce que l’activité dans ces secteurs est plus difficile à formaliser (comme dans le champ artistique) et par conséquent moins formalisée. Les logiques professionnelles y relèvent alors davantage du « tour de main » (de l’artiste) et de l’informel que de la gestion de projet, de la procédure ou de la méthode (du chercheur).

Par ailleurs, je ne suis pas très convaincu par sa proposition selon laquelle plusieurs modes d’innovation sont envisageables, suivant qu’ils sont prioritairement axés sur la R&D, le marketing ou sur les ventes :

L’innovation relève de la R&D, mais aussi du marketing ou des ventes. Conquérir un marché hors de ses frontières peut constituer une innovation. Elle n’est donc pas forcément liée à la recherche. Pernod Ricard est une entreprise innovante, alors qu’elle doit respecter différents critères pour rester dans la tradition. Coca-Cola consacre une faible part de son chiffre d’affaires à la R&D et son produit semble rester identique. C’est pourtant une entreprise innovante.

Est-ce dû aux exemples qu’il a retenus ? Une stratégie de développement ou de pérennisation d’un marché peut réussir sans pour autant devoir parler d’innovation. Les entreprises qu’il cite me paraissent bien davantage gérer une rente que s’inscrire dans une démarche comme celle de Google ces dernières années (puisque cette référence a été très souvent commentée)…

N’est-ce pas un des problèmes de beaucoup d’entreprises françaises que de se considérer comme innovantes, en particulier lorsque l’on met en regard ces déclarations avec la faiblesse des investissements en R&D effectués par le secteur privé en France ? La société de la connaissance ne sera pas renforcée par des raisonnements diluant la notion d’innovation (et les politiques la soutenant).

Vos avis ?



Réussir le management de la connaissance

27 07 2006

Je viens de lire l’article « Réussir le management de la connaissance » du dossier « L’art du management de l’information » (2006) sur le site des Echos (grâce au post de Matthias Koch). Voici en une petite synthèse :

Les directions générales font un rêve : « Si nous savions tout ce que nous savons, combien plus efficace nous serions », considérant que les réponses à ces questions existent un peu partout dans l’entreprise ou dans les sources d’informations externes et qu’il suffit d’en organiser l’accès.

Et pourtant, ce rêve d’un partage et d’une valorisation des connaissances et des savoir-faire, théoriquement simple, se heurte à de fortes difficultés de mise en oeuvre. Aujourd’hui, la question n’est plus tant « quoi faire ? » que « comment faire ? ».

C’est du moins ainsi que la formule l’auteur, Gonzague Chastenet de Géry (directeur au sein d’Ernst & Young Conseil). Et à partir de cela, il propose deux scénarios pour conduire l’entreprise vers la valorisation de son capital intellectuel :

  • la compilation, dans des bases d’information, des travaux produits ou capturés par l’entreprise, l’objectif étant de conserver la mémoire de l’activité et d’en renvoyer une image (souvent difficilement exploitable) à l’ensemble de l’entreprise. Cette solution demande à chacun l’adoption de deux réflexes : contribuer régulièrement à alimenter ces bases d’information, y rechercher l’information pertinente avant de produire - tâches qui sont loin d’être anarchiquement efficaces. En outre, une telle compilation ne peut raisonnablement espérer concerner autre chose que des connaissances déjà explicites et peu structurées.
  • la constitution, au sein de l’entreprise apprenante, d’une base de données de connaissances explicitées et reformatées, utilisable et accessible par chacun. Comme le souligne G. Chastenet de Géry, le travail de formalisation ainsi obtenu bénéficie en premier à l’expert qui effectue pour les partager la démarche d’explicitation de ses propres savoirs (en premier lieu car cette formalisation permet à l’expert d’agir sur et donc potentiellement d’améliorer son savoir-faire).

Je voudrais ne pas négliger une solution intermédiaire qui me semble aussi complémentaire, passée sous silence par G. Chastenet de Géry. Je pense en effet que l’on peut considérer que la performance n’est pas la détention d’une expertise exhaustive (illusoire), mais dans l’efficacité pour trouver l’expertise nécessaire à l’accomplissement des objectifs. Dans une telle perspective, une cartographie des compétences combinée à une pratique répandue du blog peuvent répondre à peu de frais aux premiers besoins.

Lire l’article « Réussir le management de la connaissance » du dossier « L’art du management de l’information » (2006) sur le site des Echos.



Pôles de compétitivité - 68 projets de R&D financés par l’Etat pour 80 millions d’Euros

24 07 2006

Le Gouvernement a annoncé le 21 juillet dernier le financement de 68 projets de recherche et développement issus de 39 pôles de compétitivité, pour un financement par l’Etat de l’ordre de 80 M€.

Selon le communiqué du Gouvernement, les collectivités territoriales ont indiqué leur intention de financer certains de ces projets aux côtés de l’Etat, à hauteur d’environ 30 M€. Ces projets, d’abord approuvés par le pôle de compétitivité auquel ils se rattachent, ont été sélectionnés pour leur caractère innovant et pour l’activité économique qu’ils vont générer.

Par cet appel à projets (le 2e de 2006, faisant suite à celui de 2005), le Gouvernement estime que près de 370 M€ de projets de R&D des pôles ont été engagés avec un soutien public de l’ordre de 126 M€. C’est ainsi le travail d’environ 1000 chercheurs pendant trois ans qui est engagé.

Le financement public et le soutien d’une coopération public/privé visent un effet d’entraînement sur la recherche privée, qui est très insuffisante en France et que le Gouvernement a placée au coeur ses politiques industrielle et de recherche, dans le but d’accélérer la croissance de l’économie nationale, et de favoriser la création d’emplois.

Un troisième appel à projets sera lancé le 1er octobre prochain par les ministères qui contribuent au fonds unique : Industrie, Défense, Agriculture, Santé, Aménagement du Territoire et Equipement. Les projets devront être présentés avant le 1er décembre 2006. Les projets retenus seront sélectionnés en février 2007.

Source : Communiqué de presse du ministère de l’Industrie (21 juillet 2006).



Des techniques de créativité… (1/2)

20 07 2006

Grâce à Benoît Fauvel (Coosys blogs innovations), je suis récemment tombé cette interview de Ivan Gavriloff, PDG de Kaos Consulting et consultant en innovation. Pour lui, plusieurs modes d’innovation sont envisageables, selon qu’ils sont prioritairement axés sur la R&D, le marketing ou sur les ventes. J’ajouterais que bon nombre d’entreprises auraient intérêt à faire collaborer davantage des services qui dialoguent souvent beaucoup trop peu (les habitudes, les préoccupations mais aussi les formations des uns et des autres sont généralement si étrangères, qu’on ne saurait s’en étonner). Le recours plus systématique à des sociologues (et à d’autres chercheurs en sciences de l’homme) étudiant en amont de la R&D les usages et les pratiques des clients ou consommateurs, faciliterait la convergence d’intérêts entre chercheurs, marketeurs et commerciaux.

Selon Ivan Gavriloff, les clés de l’innovation dans l’entreprise sont notamment les suivantes :

  • Les vraies innovations résultent de l’interaction entre plusieurs services de l’entreprise. Il faut réussir à travailler ensemble, à trois ou quatre services, malgré les tensions.
  • Toute idée détient un potentiel qu’il convient de faire émerger. Pour cela, il faut dans le processus coopératif chercher à améliorer les idées des autres.
  • Il y a souvent intérêt à commencer par explorer sur le mode de l’analogie, en observant et adaptant à son propre problème ce qui se passe dans les industries connexes.
  • C’est souvent de la périphérie, via un nouvel acteur, qu’apparaît une innovation.
  • Une entreprise qui innove prend des risques, il est normal qu’elle essuie des échecs : la crainte de ceux-ci, lorsqu’ils sont à la mesure de l’entreprise, ne doit pas être un obstacle à l’innovation.
  • Dans certains cas, les innovations constituent de telles ruptures qu’il faut créer le marché et faire preuve de pédagogie. Le fait d’être deux ou trois acteurs permet à chacun de profiter des efforts pédagogiques des autres.
  • Pour inventer un nouveau produit, il faut se référer aux attentes du consommateur. Mais cela ne signifie pas se projeter et imaginer que tous les consommateurs sont comme soi.

À suivre…



Dictionnaire trilingue en matière de brevet

16 07 2006

J’ai fait une synthèse en forme de dictionnaire trilingue en matière de brevet, à partir des archives du web et du cache de Google.

Certains termes restent encore sans traduction. N’hésitez à me laisser un commentaire si vous savez comme les traduire, je complèterai alors le dictionnaire.

Le fichier peut être téléchargé aux formats .csv (tableur), .xls (Microsoft Excel) ou .pdf.



Vers un meilleur usage des brevets au niveau européen

13 07 2006

Le numéro de juillet 2006 d’Innovation européenne (anciennement Innovation & Transfert technologique) vient de paraître. On y lit notamment un papier d’Alain Pompidou, président de l’Office européen des brevets, intitulé « Un meilleur usage des brevets ». A. Pompidou y évoque les raisons de l’importance du système de brevets pour le renforcement de l’économie européenne et ce qui doit être fait pour qu’il soit mieux adapté aux besoins des petites entreprises et des inventeurs. Selon lui (je reprends en partie ses propres termes dans ce qui suit), en plus de l’absence d’une culture européenne commune en matière de brevets, il y a aussi des lacunes structurelles qui appellent des réponses.

  • Premièrement, le système est encore grevé par d’énormes coûts de traduction pour les brevets délivrés. L’adoption du Protocole de Londres réduisant le volume de travail de traduction aboutirait à des économies de l’ordre de plusieurs centaines de millions d’euros pouvant être réinvestis dans le processus d’innovation.
  • Deuxièmement, l’absence d’un tribunal européen compétent en matière de brevets suscite des inquiétudes parmi les entreprises face au risque de contentieux, surtout les plus petites. L’adoption de l’accord sur le règlement des litiges en matières de brevets européens (EPLA) renforcerait considérablement la validité juridique des brevets européens et réduirait aussi les risques économiques associés aux contentieux.
  • Troisièmement, l’Europe a besoin d’un guichet unique pour la protection par brevet. Il pourrait être apporté par le brevet communautaire, que l’Union européenne cherche à instaurer depuis maintenant trente ans.

Le Protocole de Londres prévoit que les titulaires de brevets européens n’aient plus à produire une traduction du fascicule du brevet lorsque ce brevet a été délivré pour des États contractants de la Convention sur le brevet européen parties au Protocole de Londres et qui ont une langue de l’Office européen des brevets comme langue officielle. Dix États ont signé le Protocole en octobre 2000, mais pour qu’il entre en vigueur, il reste à être ratifié par les États contractants (ou au moins un certain nombre d’entre eux, dont obligatoirement la France, l’Allemagne et le Royaume Uni - or la France ne l’a toujours pas ratifié).

Au sujet du guichet unique, l’intégration européenne a encore un long chemin reste à parcourir en matière de brevet : si à l’échelle européenne une procédure commune existe bien pour protéger une invention par un brevet au niveau européen - ce qu’on appelle le « brevet européen » - ce dernier s’éclate au final en un brevet dans chaque pays. La proposition de « brevet communautaire » correspondrait, elle, à une protection par un titre unique dans l’ensemble des états…

Les petites sociétés et les entrepreneurs, qui représentent aujourd’hui selon A. Pompidou déjà plus de 70% des demandes introduites auprès de l’Office européen des brevets, seraient les principaux bénéficiaires de ces réformes (la suppression de la traduction correspondrait à une réduction de 25% des coûts d’un brevet). Toutefois, il me paraît important de noter que ce Protocole de Londres suscite aussi des oppositions (certains pays européens se sont ainsi immédiatement exclus du protocole), notamment du fait que le dépôt de brevets américains et japonais serait de beaucoup facilité en Europe.

Lire le papier d’Alain Pompidou.

En savoir plus sur le brevet européen et le brevet communautaire.



4e Forum du financement de l’innovation et de la compétitivité

12 07 2006

Le prochain Forum du financement de l’innovation et de la compétitivité aura lieu le 26 septembre 2006 au Centre de Conférence Pierre Mendès France du Ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie.

Il réunira les acteurs majeurs dans le domaine des logiciels et multimédia, logiciels et systèmes complexes, et hautes technologies pour le médicament et la santé.

Ce Forum s’inscrit dans une série inaugurée à Lyon en mars dernier à l’initiative de François Loos, ministre délégué à l’Industrie, soutenue notamment par CDC Entreprises, l’IFP et OSEO, et se déroulant en partenariat national avec l’ACFCI, l’AFIC, CapinTech, le Comité Richelieu, Croissance Plus, la Fédération Bancaire Française, France Angels, le GFI, l’INHES, l’INPI, le MEDEF, l’Ordre des experts comptables, Retis, UBIFRANCE et l’Unicer. Ces rencontres ont pour objectif d’accélérer le développement des PME innovantes et tout particulièrement leurs relations avec leurs clients (les grands comptes), leurs partenaires financiers (business angels, les capitaux-risqueurs, banques), et leurs accompagnateurs, notamment scientifiques et technologiques, au niveau régional, national et international.

Les rendez-vous suivants auront lieu le 14 novembre 2006 à Toulouse (aéronautique, espace, systèmes embarqués), en janvier 2007 à Rennes (images et réseaux) et en février 2007 à Strasbourg (innovations thérapeutiques).

Pour en savoir plus sur le Forum de Paris. Pour s’y inscrire.



Communication et valorisation de la recherche à l’heure d’Internet

7 07 2006

Les 21 octobre 2005, 13 avril 2006 et 23 mai 2006 s’est tenu le séminaire « Communication scientifique et valorisation de la recherche à l’heure d’Internet » organisé par l’URFIST de Toulouse et le SCD Toulouse 1. Christine Delaplace, maître de conférences en Histoire ancienne à l’Université Toulouse 2, a rédigé un compte-rendu des travaux, aujourd’hui disponible. Le séminaire s’est déroulé en 3 journées ou demi-journées (un 4e temps est prévu en novembre prochain) :

  • L’édition électronique : vers de nouveaux modes de valorisation de la recherche ?
  • Archives ouvertes, archives institutionnelles, revues en ligne : vers le libre accès aux résultats de la recherche ?
  • Le protocole des Archves ouvertes : pour une libre gestion des publications « revues par les pairs »

Ce séminaire réunissait essentiellement du personnel des bibliothèques et peu de chercheurs. Ceci explique peut-être, même si on peut le regretter, la focalisation sur les outils d’archivage et de publications plutôt que sur d’autres modes de valorisation. D’autant que bon nombre de participants ou de thèmes abordaient ressortaient au domaine des sciences de l’homme.

Je profite de l’occasion pour annoncer que je tâcherai de faire de la valorisation de la recherche en sciences humaines et sociales un thème de réflexion et de propositions de ce blog. Ce domaine d’activités, qui reste embryonnaire et très peu formalisé, me tient particulièrement à coeur pour des raisons personnelles (en raison notamment de mon profil, de mes expériences et de mes aspirations), mais également pour des considérations plus collectives et générales : je suis convaincu qu’il y a là un potentiel socio-économique formidable (peut-être plus encore que dans le domaine de la recherche en sciences de l’ingénieur ou en biotechnologies…), mais aussi énormément de dispositifs, d’outils et de méthodes à inventer : le terrain à investir est quasiment vierge, difficile d’accès mais immense et somptueux. C’est le genre de défi qui m’attire.

Via SCD Toulouse 2 : blog des recherches documentaires (29 juin 2006).